Armand Peugeot : L’industriel visionnaire 

Né en 1849, Armand Peugeot était issu d’une famille d’industriels du Doubs spécialisée dans l’acier et les outils. En 1872, il reprit avec son cousin Eugène l’entreprise familiale. Cependant, Armand Peugeot allait rapidement faire évoluer Peugeot vers de nouveaux horizons et devenir un pionnier de l’industrie automobile française.

Mais avant cette épopée, Armand Peugeot fut un précurseur dans un autre domaine : le cycle. Dès les années 1870, il saisit l’immense potentiel du vélocipède. Malgré le scepticisme de son cousin Eugène, il se lança alors dans la production de bicyclettes.

Après une décennie d’efforts, le fameux « Grand Bi » à grande roue avant d’Armand Peugeot connut un vif succès en 1882. L’entreprise enchaîna alors avec des modèles à roues de tailles égales et transmission par chaîne dès 1886. Sous la direction d’Armand, une usine dédiée employant 300 ouvriers ouvrit ses portes à Beaulieu.

Les volumes de production ne cessèrent d’augmenter pour atteindre 20 000 vélos par an en 1900 ! Grâce à ce succès fulgurant, Peugeot devint un acteur majeur dans le secteur du cycle, forgeant la renommée de la marque auprès du grand public.

En 1886, Armand Peugeot découvrit par hasard « la rapide », le véhicule à vapeur d’Amédée Bollée. Il comprit immédiatement le potentiel de cette automobile qui, à l’instar de la bicyclette, répondait aux besoins modernes de mobilité et de liberté. Il contacta alors Léon Serpollet, pionnier de la propulsion à vapeur, afin de développer son propre tricycle à moteur. Ils le présentèrent à l’Exposition universelle de Paris en 1889.

Les deux hommes attendaient beaucoup de leur invention, mais cette année là, ce fut un flop: le tricycle ne suscita aucun intérêt. Cependant, en parcourant la Galerie des Machines, Armand découvrit un petit canot équipé du moteur à pétrole récemment breveté par l’ingénieur allemand Gottlieb Daimler. Armand eut alors l’intuition que c’était ce moteur fonctionnant au pétrole, et non la vapeur, qu’il fallait utiliser pour animer une automobile.

Armand décida alors de se lancer dans la fabrication automobile. À partir de 1891, les premiers véhicules Peugeot, bien que rudimentaires, furent produits. Ces « pétroleuses » jetaient les bases d’un futur succès industriel, mais restaient bruyantes, malodorantes et soulevaient des nuages de poussière. Au sein de la famille Peugeot, tous n’étaient pas convaincus par ce nouveau créneau : fabricant de moulins à café, tondeuses, outils et ressorts, Peugeot Frères semblait mal s’y prêter. La rupture survint en 1896 quand Armand Peugeot créa avec son beau-frère Albert Fallot la Société Anonyme des Automobiles Peugeot.

Le succès fut pourtant au rendez-vous dès 1897. Pour répondre à la demande croissante, une nouvelle usine ouvrit ses portes à Audincourt. Un an plus tard, elle employait déjà 350 ouvriers et produisait 156 véhicules. Après sa rupture avec Daimler, Armand Peugeot se lança dans la fabrication de ses propres moteurs. En 1899, alors que la production approchait les 500 exemplaires, une autre usine fut inaugurée à Fives, près de Lille.

En 1904, Peugeot Frères décida finalement de se lancer aussi dans la production de véhicules à moteur, commercialisés sous le nom « Lion-Peugeot ». Cependant, Armand gardait une longueur d’avance : en 1905, sa Société des Automobiles Peugeot fabriquait plus de 1200 véhicules, puis 2000 en 1910. Face à une demande toujours croissante, Armand dut sans cesse agrandir ses installations, quand Lion-Peugeot restait loin derrière. La fusion des deux entités intervint après le décès d’Eugène en 1910.

L’ère de l’artisanat touchait à sa fin, celle de la production en grande série s’amorçait. Les clients fortunés qui faisaient auparavant habiller leurs châssis Peugeot par des carrossiers réputés, laissèrent place à de nouveaux acquéreurs moins aisés mais désireux d’utiliser immédiatement une Peugeot entièrement assemblée. Ces voitures prêtes à l’emploi prirent alors le nom de « voitures de série ».